Pour la neuvième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.
Insolations, Meryem Alqamar
Meryem décide de commencer une thérapie. Mais pas de n'importe quelle manière : elle va écrire des lettres à son thérapeute, et donc passer tout par l’écrit, avoir le luxe de choisir ses mots avec soin, de mettre un frein à l’immédiateté d’une séance assise dans un fauteuil. Une correspondance s’établit donc avec une thérapeute - choisie parce que “gay friendly” - dont nous ne verrons jamais que ses lettres à elle.
Elle y raconte sa famille, la dureté de l’éducation reçue par un père taiseux et par une mère toujours occupée. Elle se confie sur ses relations avec ses soeurs, sur ce qu’elle y a projeté. Et elle revient sur ces étés passés dans la famille en Algérie, sur les violences subies, sur les cousins trop présents. Des étés marqués par le silence, par les non-dits, qui encore aujourd’hui, alors qu’elle n’est pas retournée en Algérie depuis de nombreuses années, pèsent encore sur Meryem.
Et puis elle nous plonge - nous et sa thérapeute dans un même mouvement - dans sa vie d’aujourd’hui, dans des conversations avec des ami.es qui la font réfléchir, dans son homosexualité qu’elle révèle peu à peu et dans sa relation avec Alice qu’elle construit solidement.
Un livre très intime et touchant, qui brûle du désir et de la rage de l’injustice, qu’on dévore séance après séance.
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
"Insolations", Meryem Alqamar, Editions Cambourakis, 168 pages, 10€
Un vent de cendres, Sandrine Collette
Dès leur arrivée au domaine de Vaux pour les vendanges, Malo est pris d’un profond malaise. Octave, le propriétaire des lieux, manifeste un intérêt pour sa sœur, Camille. Il lui jette des regards insistants, qui inquiète profondément le jeune homme et qui souhaite fuir les lieux au plus vite. Troublée, Camille quant à elle oscille entre rejet et attirance. Jusqu’au jour où Malo disparaît. Tandis que les autres semblent indifférents à son départ, Camille pressent qu’un drame s’est produit. Doivent-ils fuir ce lieu énigmatique ? Est-il déjà trop tard et sont-ils déjà pris au piège ?
Sandrine Collette poursuit ici l’exploration d’un univers sombre et étouffant, et reprend une structure familière : celle de la confrontation entre deux êtres, reclus dans un espace clos. Ce décor, à la fois paisible et oppressant, sert de toile de fond à un récit où l’humain est sans cesse au bord de la rupture. Au fil des pages, l’autrice crée une tension, laissant volontairement des zones d’ombres et en s’appuyant sur l’imaginaire du lecteur. Vent de cendres est un roman haletant, où tout est calculé pour faire vaciller nos certitudes… et ce, même jusqu’à la fin qui après la dernière page résonne longtemps dans nos mémoires.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
"Un vent de cendres", Sandrine Collette, Editions Le livre de poche, 264 pages, 8,70€
Station Eleven, Emily St John Mandel
Alors qu'une pandémie a ravagé le monde, un groupe de musiciens saltimbanques, la Symphonie Itinérante, sillone le Canada dans une roulotte pour jouer et chanter à qui s'en souviendra le répertoire de Shakespeare. Cette bande mal assortie rend compte de l'état du monde après cette catastrophe, la population qui s'est rassemblée pour former des nouveaux petits villages avec sa propre hiérarchie, les nouvelles règles d'un monde privé d'électricité et de ressources non renouvables. Dans cette nouvelle ère de la civilisation, après un grand effrondrement chacun apprend à vivre.
Dans ce roman, en mouvement, on suit le point de vue des témoins du monde. Il y a Kirsten une jeune comédienne qui a vécu l'avant, l'acteur Arthur Leander mort juste avant la contamination, sa première épouse Miranda autrice d'une bande dessinée visionnaire, à eux trois ils forment les voix du roman. On lit aussi une nouvelle organisation du monde, comment chacun tente de s'imposer dans une société livrée à elle-même. Chaque station de la Symphonie nous donne un aperçu différent.
Un roman qui n'est pas sans rappeler la pandémie que nous avons nous-mêmes vécu. Fascinant et déroutant, on a du mal à le lâcher.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay