Wendy Delorme nous offre un nouveau roman sous forme d’ode à la nature et à l’amour. Un récit d’une puissance poétique infinie qui nous berce au fil de l’écoulement d’une rivière disparue et du flux de l’écriture.
Maria s’est réfugiée dans une maison dans la montagne pour essayer de retrouver l’inspiration et pour patienter le temps de découvrir si elle est enceinte. Au fil des journées et des soirées qu’elle y passe, ce sont plusieurs histoires d’amour qu’elle nous raconte : celle avec son compagnon trans, celle qu’elle entretient avec l’écriture mais aussi celle de deux jeunes femmes distante d’un siècle, en même temps que celle qu’elles ont elles-mêmes entretenues avec la rivière que Maria entend.
De l’eau qui relie les générations
“La maison s’anime la nuit d’une vie qui lui est propre. C’est impressionnant. Ça se passe dans les murs. Ça ruisselle, ça clapote. Je la sens habitée par une présence liquide. Je ne trouve pas le sommeil. Je n’ai pas vraiment peur, j’écoute le vent dehors qui murmure calmement. Je laisse des souvenirs me bercer sous les draps, tandis que le chat ronronne au creux de ma poitrine.”
C’est bien une rivière que la narratrice entend sans la voir. Une rivière qui est un personnage à part entière de ce récit, et dont la voix s’entremêle avec celle de Maria qui se ressource dans la maison traversée par l’eau. Une rivière qui porte la mémoire des générations et des amours qui ont précédé Maria dans cette maison de famille. Au fur et à mesure que se dévoile cette rivière, c’est le lien avec le passé qui s’ouvre, un lien qui montre la douceur des relations et la difficulté des normes qui enferment et empêchent.
L’écriture est également au centre de ce nouveau roman de Wendy Delorme comme elle est au centre de sa propre vie : c’est à travers des poèmes échangés avec passion et dissimulation que se dessine l’histoire entre Clara et Meni il y a plus d’un siècle. Et c’est grâce à ces mots et à ceux qu’elle laisse grandir en elle que la narratrice retrouve le chemin de son inspiration, par l’entremise d’une longue lettre écrite à son amour.
“L’écriture est un acte de tissage mais le fil vient d’ailleurs, et la trame se dessine au fur et à mesure. Pas par la volonté, mais par le geste qui relie la main et l’esprit à ce flux qui parfois se dérobe et parfois se déverse.”
Deux affluents, une seule rivière
Comme deux affluents qui se rejoindraient, ces deux histoires se font suite dans ce roman polyphonique et nous embarquent à la découverte de pâturages, de maisons abandonnées et de familles qui se déchirent. La solitude de la narratrice s’entrechoque avec les impossibilités qui peuplent l’histoire de Clara et Meni. Avec toujours l’eau qui lave, qui panse, qui relie.
“Il y avait chez les deux filles quelque chose qui toujours les ramenait à moi. Les adultes les appelaient parfois “les filles de l’eau”, tant elles connaissaient tous mes endroits cachés, les secrets et courants de mes flots dévalant la montagne.”
Récit des origines - autant de l’histoire d’amour que de l’écriture -, Le chant de la rivière touche au plus profond grâce à la langue puissante de Wendy Delorme et à une forme d’émancipation qui en émane. Et tout reprend sa place grâce à la postface que l’autrice a choisi d’inclure à son roman pour nous en faire comprendre la généalogie et la portée.
"Le chant de la rivière", Wendy Delorme, Editions Cambourakis, 104 pages, 16€