Quelques mois après la sortie de son très bel album Valdevaqueros, Fred Nevché était de passage à Paris ce 11 décembre sur la scène du Point Ephémère pour un concert à l'image de ce dernier opus : enchanteur.
Révélé dans les années 2000 au sein du groupe Vibrion, lauréat du FAIR en 2008, le Marseillais Fred Nevché a roulé sa bosse sur les routes de France et du monde avant de nous livrer son quatrième album solo, Valdevaqueros. Avant ce dernier, Fred Nevchehirlian de son vrai nom, avait mis en musique des textes inédits et engagés de Jacques Prévert en 2011, et continué d'explorer le slam, l'électro-rock et la chanson à travers deux albums, Monde nouveau, monde ancien et Rétroviseur. Nous le découvrons pourtant seulement cet automne, avec cet opus au titre si exotique et mystérieux. Valdevaqueros est le nom d'une longue plage andalouse. C'est là-bas que Fred Nevché nous emmène, sur disque et sur scène.
Nevché © B. Jamot
Un disque cinématographique
Enregistré entre Marseille et Paris, et réalisé par Simon Henner sous la direction musicale de Martin Mey, Valdevaqueros offre aux mots de Fred Nevché un écrin musical lumineux à base de sonorités électroniques. Avec la complicité de Babx et de Raphaële Lannadère (L) dans les chœurs, la voix de Fred Nevché nous enrobe de sa douceur et nous guide. Le voyage démarre sur une aire d'autoroute, et se termine sur une route de campagne. La même peut-être sur laquelle s'ouvrait le long poème Décibel, une piste de 30 minutes en guise de préambule à l'album, dont Fred Nevché nous a d'ailleurs livré un extrait en live.
A cette scène d'amour figée dans la lumière des phares d'un camion, répond la solitude d'une Pénélope des temps modernes : "Pénélope / Pour oublier le fil du temps / Tu clopes / Et moi, je bois / Pour éthérer ta loi / Je ploie / Pour ne pas rompre le fil / Quand reviendrai-je au port ?". Le port, voilà que nous le quittons justement, bercés par L'Océan. Ce mot répété par la voix de Fred Nevché comme une incantation, convoque chez l'auditeur un film en bleu et blanc. Chaque titre de Valdevaqueros est d'ailleurs accompagné d'un videoclip où reviennent les mêmes personnages.
Parmi ces chansons très cinématographiques, Je Naviguais vers mon Rêve cache à peine un message politique, un appel à l'humanité. Elle est inspirée d'un article de 2014 paru dans Libération et intitulé Je naviguais vers mon espoir, qui racontait l'histoire d'un migrant, Assef Husseinkhail, rattrapé au large du Pas-de-Calais. Point d'orgue de l'album, la chanson Valdevaqueros file habilement la métaphore des véliplanchistes fendant la mer pour aborder la question des attirances sexuelles et de ce souffle amoureux, imprévisible, avec lequel il faut pourtant tenter de naviguer, en équilibre.
Chanteur-conteur pour public rêveur
Sur scène, Fred Nevché et ses deux complices musiciens à la batterie et aux claviers donnent vie à ce répertoire brûlant, charnel et inclassable. Mi-conteur mi-chanteur, Fred Nevché semble de plus en plus habité par ses mots alors que le public du Point Ephémère plonge avec lui dans une transe éclairée. Le verbe claque, le slam et quelques attitudes rock ressurgissent ici et là, l'artiste vit ses histoires. Il nous les raconte, nous les projette avec son corps et ses doigts qui marquent le rythme de chaque vers, puisque ce sont bien des poèmes qu'il nous déclame. De temps en temps, sa main s'efface derrière son dos, trahissant une certaine pudeur. Il n'y a pas de posture, rien qu'une émotion.
Comme sur disque, Fred Nevché se fait conteur. Ce soir-là sur le devant de la scène, une petite fille était appuyée sur un coussin, avec un casque sur les oreilles pour mieux les protéger du son parfois fort et trop brut de la salle. Dans ce lit improvisé, elle écoutait les yeux fermés la musique et le texte. Ce soir-là, jeunes ou vieux, nous étions comme elle : des rêveurs évadés sur la plage de Valdevaqueros, bercés au gré des vagues mélodiques et de la houle des mots de Fred Nevché.
Fred Nevché, album Valdevaqueros disponible depuis le 21 septembre 2018. Site Officiel / Page FB